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pour la préservation d'un coffre-fort de la biodiversité

Forêt du Makay

Depuis quelques jours nous parlons de déforestation, de désolation. En effet, chaque jour passé ici dans les montagnes du Makay apporte son lot de traces de feux anciens ou récents, de ravages et de tristesse. L’homme est responsable de la disparition du couvert forestier. Il scie évidemment sans s’en rendre compte la branche sur laquelle il est assis.

Cette disparition a, si l’on regarde l’ensemble de Madagascar, de multiples causes.
Evoquons les paysans et la culture sur brûlis « Tavy » qui transforment des hectares de foret pour en faire des rizières…temporaires. Les charbonniers qui font commerce d’arbres centenaires pour chauffer les maisons et cuisiner, les trafiquants d’essences rares qui défient lois et gendarmes, l’exploitation industrielle et minière intensive, ou encore des techniques de chasse de certains mammifères et de collecte de miel…

Ici dans le Makay, le principal responsable de la déforestation est l’élevage de zébus. Les propriétaires de troupeau mettent en effet le feu régulièrement où ils passent pour alimenter les zébus essentiellement en jeunes pousses vertes. Le feu reste en effet le moyen le plus efficace pour que celles-ci se renouvellent…partiellement…puisque avec le temps, les fortes pluies entraînent avec elles la terre fertile. Les sols lessivés deviennent arides. Le reboisement devient impossible, l’agriculture également.

De notre point de vue d’occidental, il est assez difficile de comprendre pourquoi les gens d’ici ressentent le besoin de brûler encore et toujours alors que les espaces de pâturage sont déjà largement suffisants (maximum 10 têtes/km2) et qu’il suffirait de pratiquer la jachère et de mettre des clotûres pour que le problème soit réglé (un petit peu comme en Corse). On comprend d’autant moins la pratique locale qui laisse les troupeaux paître partout où le vent les mènent, alors que les garder dans un espace restreint permettrait également de limiter les vols.

Makay

Christian Perrenoud, dans un précédent commentaire citant Saint Sauveur, a donné un élément de réponse en expliquant que dans la culture malgache, la propriété d’une terre est parfois seulement prouvé par l’entretien que l’on en fait. Ainsi, le feu considéré comme un entretien, est en quelque sorte une preuve de propriété. Ce que je ne comprends pas alors, c’est la raison pour laquelle des feux sont déclenchés par d’autres que les propriétaire des terres. Nous en avons eu l’illustration dans toutes les forêts du Makay. Ce qui est étonnant également, c’est le fait qu’à chaque fois que l’on demande aux locaux, ils disent que ce n’est pas eux et qu’ils ne savent pas qui c’est. Nous avons même eu droit à diverses pirouettes dont je vous donne une exemple ici. En quittant le camp de base de la première expédition, nous avons passé notre dernière soirée au village de Tsivoky. Dans la soirée, Igor est venu me voir et m’a dit: « Viens voir, il faut que je te montre quelque chose! » Il m’a emmené à la sortie du village d’où l’on voit tous les contreforts du Makay. Je n’ai pas besoin de vous décrire ma déception et ma colère lorsque j’ai vu l’ensemble du versant que nous venions de franchir avec les porteurs… en feu. Tout un versant, à deux pas du camp de base. Le lendemain, alors que le chef venait me demander un droit de passage inventé pour l’occasion, je lui ai demandé pourquoi les hommes du village avaient mis le feu. Il m’a répondu que c’était la montagne qui nous remerciait de notre passage et qui nous disait au revoir. Je vous avoue que j’ai quitté la discussion sans plus attendre.

Si dans la majorité des cas, les gens nous mentent, surement par peur des représailles (tout le monde sait en effet que les feux sont interdits et punis de 5 ans d’emprisonnement), il y a aussi une autre explication. Il se trouve que nous sommes dans le Makay, sur une terre Bara et que le phénomène Dahalo est chez les Bara, très répandu. Les Dahalo, sont des briguants nomades voleurs de zébus. Sillonnant la région avec leurs butins, ils mettent le feu partout où ils passent sans se soucier de qui en est le propriétaire.
La présence des Dahalo aux alentours des villages suscitent peurs et craintes. Peur de la violence de certaines bandes et craintes des répercussions économiques (vol de troupeau notamment), mais également parfois craintes des ravages écologiques. Nous avons en effet croisés quelques villageois qui semblaient dépités de voir leurs forêts disparaître. Nous en avons compris plus tard la raison. Cette famille avait perdu son troupeau entier dans un de ces feux destructeurs.
Pas de contrôle, pas de répression, ce phénomène Dahalo s’amplifie dans un contexte politique instable et désengagé menaçant toujours un peu plus la biodiversité unique de la Grande Ile « Gasikara ».

Palmier

Nos problèmes de communication, notre manque de compréhension des locaux… sont de gros handicaps. Après avoir posé des dizaines de fois la question et avoir reçu des dizaines de réponses différentes, il nous est impossible encore aujourd’hui de savoir vraiment ce qui les poussent à brûler. Le saurons-nous un jour? Ce qui est certain, c’est qu’il va falloir des années d’éducation, de discussions dans chaque village, accompagné d’une certaine forme de répression, pour que les brûlis stoppent. Et je me demande si ce n’est pas déjà trop tard.

  1. Gilles
    23:26 le 17 March 2011

    Je viens de parcourir l’Ankaratra pendant quelques jours et là aussi tout brûle et même rebrûle!! Les eucalyptus et les pins, plantés il y a des années pour tenir la terre, mais bien entendu éalement le peu de forêts primaires restante!!
    Certains charbonnier fuyaient devant nous, abandonnant tout sur place le temps que l’on passe notre chemin. Notre guide s’est fait interpeler de façon assez musclée par d’autres lui demandant pourquoi il venait nous montrer cela…
    Quand on voit les chargements de charbon qui arrivent tous les matins à Tana, on comprend que les massifs proches de la capitale, comme l’Ankaratra, n’en ont malheureusement plus pour longtemps…

    Petite note d’espoir toutefois, nous y avons découvert une jeune forêt primaire, composée de jeunes arbres, très riches en orchidées en en faune diverse…qui en y regardant de plus près était une ancienne forêt de pins…des souches en décompositions la parsèment encore!!
    Comme quoi, on peut raser la forêt primaire, la remplacer par des résineux, raser ces résineux et abandonner finallement le terrain…si on lui en laisse un peu le temps, la nature originelle peut reprendre le dessus!!

  2. Mathias
    19:47 le 15 January 2011

    Tristoune cette histoire…parcourir une forêt et la voir brûler… mais comme disait Rousseau “qui rougit est déjà coupable, l’innocence n’a honte de rien” Hormis la peur de l’amende, les hommes pyromanes semblent être quand même conscients des dégats qu’ils provoquent…C’est peut être pourquoi les justifications sont à chaque fois différentes, le sentiment de culpabilité s’affiche sous de falacieuses excuses…La these d’un peuple pyromane prends du sens…
    Bon courage a tous, special dédicace la gerch!

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