L’expédition scientifique Makay Nature 2010, première expédition naturaliste jamais menée dans le massif du Makay, a permis de découvrir et d’étudier les richesses biologiques et culturelles du Makay.
Botanique
Commençons par l’équipe botanique qui a pu récolté plus de 300 espèces de plantes différentes dont quelques nouvelles espèces endémiques. Si les analyses de terrain doivent encore être confirmées en laboratoire, ils pensent notamment avoir découvert une nouvelle espèce de pervenche de Madagascar, espèce bien connue pour ses vertus curatives. Ils ont aussi pu élargir les aires de répartition de nombreuses autres espèces déjà connues ailleurs à Madagascar et notamment d’espèces en voie de disparition comme une espèce de baobab et une autre espèce de palmier Ravenea dont on ne connaissait jusqu’à aujourd’hui plus qu’une vingtaine d’individus répartis le long d’une rivière polluée près d’Ilakaka. Par ailleurs, grâce à l’équipe de grimpeurs, ils ont pu effectuer des collectes d’échantillons en pleine paroi ou dans des zones extrêmement difficiles d’accès ce qui constitue une première.
Zoologie
Au niveau zoologique, les résultats sont plus contrastés. Alors que l’entomologiste a pu récolter dans ses pièges plus de 5000 échantillons qui seront analysés dans les prochains mois, les mammifères ont été nettement plus rares et à l’exception de tenrecs et d’un petit rongeur, aucun autre animal ne s’est laissé prendre dans les pièges. Cependant, les observations ont été nombreuses et outre deux espèces de lémuriens diurnes, trois espèces de lémuriens nocturnes, de nombreux potamochères et des traces de fossa attendues dans cette région, nous avons découvert avec stupeur la présence d’une autre espèce de lémurien totalement inattendue. Du genre Hapalémur (communément appelé Lémurs Bambous), nous ne savons pas encore s’il s’agit d’une espèce connue ou d’une nouvelle espèce mais cette découverte est extrêmement importante car elle augmente très largement l’aire de répartition de ce genre. Les oiseaux se font fait très discret mais ont montré quelques bonnes surprises. Quant aux ichtyologues, après n’avoir d’abord rien trouvé et avoir presque considéré les rivières comme abiotiques, ils ont pêché deux espèces de poissons introduits (Gobidés et Tilapias). Puis le dernier jour, ils ont miraculeusement pêché un petit poisson remarquable nommé Pachypanchax. Là encore c’est une vraie découverte majeure car sa présence dans le Makay augmente de manière importante son aire de répartition. Là encore nous ne savons pas encore s’il s’agit d’une nouvelle espèce mais c’est fort probable étant donné l’isolement de la zone de capture. Le Makay est un massif extrêmement intéressant pour la biodiversité de Madagascar car sa morphologie particulièrement tourmentée offre selon les endroits et à seulement quelques kilomètres près (voire centaines de mètres), des conditions de forêt humide de l’est de Madagascar dans les fonds de canyon et des conditions de forêt sèche de l’ouest sur les plateaux. C’est donc un endroit exceptionnel que l’on peut appelé « de transition » dans lequel on pourrait éventuellement encore découvrir des espèces aujourd’hui connues que de l’est de l’île voire même redécouvrir des espèces disparues ailleurs.
Archéologie
Quant au volet archéologique, il n’est pas moins riche au contraire. Des dizaines de sépultures Sakalava (non fady) ont été répertoriées, dessinées, mesurées et analysées en présence des chefs de village et vont permettre de mieux comprendre les coutumes ancestrales. Des prélèvements ADN ont été effectués sur les villageois ainsi que sur des ossements trouvés autour des tombeaux. L’étude de ces prélèvements ADN permettra de mieux comprendre l’histoire du peuplement de Madagascar et notamment des vagues successives de colonisation de cette région. Des bijoux ont aussi été découverts ainsi que de nombreuses poteries. Enfin deux grottes ornées ont pu être relevées et ont montré des dizaines de dessins de zébus, de personnages, de mains… C’est, là encore, une découverte majeure pour l’archéologie malgache et ces grottes risquent fort de recevoir la visite de nombreux archéologues dans les prochains mois.
Un long travail en laboratoire reste encore à faire afin de préciser et analyser en détail les échantillons divers collectés tout au long de l’expédition et les résultats finaux ne sont pas attendus avant au moins un an, mais le bilan est d’ores et déjà exceptionnel.
L’urgence de mesures de préservation
Malgré ces belles découvertes et la réussite de l’expédition, c’est une sonnette d’alarme qu’il convient de tirer. Les membres de l’équipe estime qu’il ne reste que quelques années de survie tout au plus aux écosystèmes qu’ils ont traversé. Les feux de brousse restent le fléau principal et rien ne pourra être préservé si des mesures d’urgence pour stopper ce phénomène ne sont pas prises. La présence importante de dahalos ne fait qu’accentuer le problème. Au regard de la richesse du Makay, de sa beauté et de son potentiel touristique et donc économique, cet état de fait est tout à fait désespérant. Et s’il ne s’agit pas de patrimoine naturel mais culturel, les deux grottes contenant des peintures rupestres sont, elles aussi, très menacées car elles sont utilisées régulièrement par les éleveurs de zébus. Ces derniers allument souvent des feux sous les peintures et les zébus piétinent tout ce qui est au sol. Là encore des mesures d’urgence doivent être prises afin que ce “Lascaux de Madagascar” ne disparaisse pas.
Préserver les habitats naturels menacés constitue l’un des plus grands défis environnementaux du 21ème siècle, et, la conservation des richesses du Makay est depuis l’origine du projet Makay Nature, l’objectif ultime de l’association Naturevolution. Elle va donc s’appuyer sur les résultats de cette expédition et sur les recommandations des scientifiques pour obtenir le plus rapidement possible le statut d’Aire Protégée et lancer un programme de développement.